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ques leur font peur pour partager avec eux les dépouilles de la Gaule ; ils n’osaient m’attaquer, me prenant pour un prêtre.

— Allons, voici le souper prêt… à table, — dit le vieil Araïm ; et, s’adressant tout bas à la femme de son fils, toujours pensive et triste :

— Qu’avez-vous donc, Madalèn ?… Songez-vous encore aux Korrigans ?…

— Cet étranger, qui revêt la robe du prêtre sans être prêtre, portera malheur à notre maison… La tempête semble redoubler de fureur depuis qu’il est entré ici…

Rassurer le cœur d’une mère est impossible : le grand-père n’y tâcha plus. On s’attable, on boit, on mange ; le colporteur boit et mange en homme à qui la route a donné grand appétit. Les mâchoires ont joué, les langues démangent, celle du grand-père lui démange non moins qu’aux autres ; on n’a pas tous les jours pour la veillée un colporteur venant de Paris.

— Et que se passe-t-il à Paris, brave porte-balle ?

— Ce que j’ai vu de plus satisfaisant dans cette ville, c’est la mise en terre du roi de ces Franks maudits !

— Ah ! il est mort, leur roi !…

— Il y a plus de deux mois… le 20 novembre de l’an passé, de l’an 512 de l’Incarnation du Verbe, comme disent les évêques, qui ont béni et enterré ce meurtrier couronné, dont les os pourriront dans la basilique des saints apôtres de Paris.

— Ah ! il est mort, le roi des Franks !… Comment s’appelait-il ?

— Un nom du diable ! Il se nommait Hlode-Wig.

— Il y a de quoi étrangler en le prononçant… Tu dis…

Hlode-Wig… Sa femme, qu’ils appellent la reine, puisqu’il est roi des Franks, sa femme n’est pas moins heureusement partagée ; elle se nomme Chrotechild… ses quatre fils, Chlotachaire, Theudeber et…[1]

  1. Après avoir donné ce spécimen de ces noms barbares, nous adopterons, dans le cours