Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/329

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et s’adressant à l’étranger :

— Approche-toi du feu, brave porte-balle ; la nuit est rude. Karadeuk, en attendant le souper, un pot d’hydromel pour notre hôte.

— J’accepte, bon vieux père… le feu réchauffera le dehors, l’hydromel le dedans.

— Tu me parais un joyeux routier ?

— C’est la vérité ; la joie est ma compagne : si long, si rude que soit mon chemin, elle ne se lasse pas de me suivre.

— Tiens, bois…

— Salut à vous, bonne mère et douce fille, salut à vous tous…

Et faisant claquer sa langue contre son palais :

— Jamais je n’ai bu meilleur hydromel. L’hospitalité cordiale rend les meilleurs breuvages… meilleurs.

— Donc, mon joyeux routier, tu viens de loin ?

— Parles-tu de ma journée d’aujourd’hui ou du commencement de mon voyage ?

— Oui, du commencement de ton voyage.

— Il y a deux mois, je suis parti de Paris.

— De Paris ?

— Cela t’étonne, bon vieux père ?

— Quoi ! en ces temps-ci, traverser la moitié de la Gaule, envahie par ces Franks maudits !

— Je suis un vieux routier ; je parcours en tous sens la Gaule depuis vingt ans… Le grand chemin est-il hasardeux ? je prends le sentier ; la plaine périlleuse ? je prends la montagne ; le jour chanceux ? je marche de nuit.

— Et tu n’as pas été cent fois dévalisé par ces pillards franks ?

— Je suis un vieux routier, te dis-je ; aussi, avant d’entrer en Bretagne, j’endossais bravement une robe de prêtre, et sur ma balle était peinte une croix avec les flammes rouges de l’enfer. Ces larrons franks, aussi féroces que stupides, craignent le diable, dont les évê-