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— Ne frappez pas ainsi du pied, méchant enfant ! Peut-être êtes-vous cause de tout le mal, avec vos vœux impies…

— Calmez-vous, Madalèn… et vous, mon favori, ne prenez point, s’il vous plaît, de ces airs de poulain sauvage regimbant contre ses entraves, et, sans murmurer, obéissez à votre mère…

— J’entends des pas… on approche… Oh ! grand-père !…

— Eh bien, ma douce Roselyk, pourquoi trembler ? quoi d’effrayant dans ces pas qui s’approchent ? Bon, voici maintenant au dehors de grands éclats de rire… Êtes-vous rassurée, Madalèn ?

— Des éclats de rire… pendant une pareille nuit !

— Sont très-effrayants, n’est-ce pas, Roselyk, surtout lorsque les rieurs sont ton père et ton frère ? Tiens, les voici. Eh bien, mes enfants, pourquoi si joyeux ?

— Ce malheur, qui menaçait la maison…

— Ces cris, qui n’avaient rien d’humain…

— Achevez donc, avec vos rires… Voire ! le père est aussi fou que le fils… Parlerez-vous enfin ?

— Ce grand malheur, c’est un pauvre colporteur égaré…

— Cette voix surhumaine, c’était la sienne…

Et le père et le fils de rire, il faut l’avouer, comme gens enchantés d’être rassurés. La mère, pourtant, toujours inquiète, ne riait point ; mais les jeunes garçons, mais la jeune fille, mais Jocelyn lui-même, tous de s’écrier joyeux :

— Un colporteur ! un colporteur !…

— Il a des rubans jolis et de fines aiguilles.

— Des fers pour les flèches, des cordes pour les arcs.

(Qui peut parler ainsi, sinon Karadeuk, mon favori, l’adroit archer.)

— Des ciseaux pour tondre les brebis.

— Des hameçons pour la pêche, puisqu’il vient sur la côte.

— Et il nous racontera ce qu’il sait des contrées lointaines, s’il vient de loin.