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se rassemblent à la fontaine de Lyrwac’h-Hèn, au plus épais du grand bois de chênes qui ombragent des pierres druidiques… trois fois j’y suis allé… trois fois je n’ai rien vu…

— Heureusement pour toi tu n’as rien vu, Karadeuk ; car on dit que c’est toujours près des pierres sacrées que se réunissent les Korrigans pour leurs danses nocturnes : malheur à qui les rencontre…

— Il paraît qu’elles sont fort curieuses de musique, et qu’elles chantent comme des rossignols.

— On dit aussi qu’elles sont gourmandes ?

— Les Korrigans, gourmandes ?

— Comme des chattes… oui, Karadeuk, tu as beau rire… tu dois me croire, je ne suis point menteuse : le bruit court que dans leurs fêtes de nuit elles étendent sur le gazon, toujours au bord d’une fontaine, une nappe blanche comme la neige, et tissée de ces légers fils blancs qu’on voit l’été sur les prairies. Au milieu de la nappe, elles mettent une coupe de cristal, remplie d’une liqueur merveilleuse, qui répand une clarté si vive, si vive qu’elle sert de flambeau à ces fées… L’on ajoute qu’une goutte de cette liqueur rendrait aussi savant que Dieu (C).

— Et que mangent-elles sur leur nappe d’un blanc de neige, les Korrigans ? le sais-tu, Karadeuk, toi qui les aimes tant ?

— Chères petites ! leur corps rose et transparent, à peine haut de deux pieds, n’est pas gros à nourrir… Ma sœur Roselyk les dit gourmandes… Que mangent-elles donc ? le suc des fleurs de nuit, servies sur des feuilles d’herbe d’or ?

— L’herbe d’or ?… cette herbe magique qui, si on la foule par mégarde, vous endort et vous donne connaissance de la langue des oiseaux (D).

— Celle-là même.

— Et que boivent-elles, les Korrigans ?

— La rosée du ciel dans la coquille azurée des œufs du roitelet… voyez-vous les ivrognesses ? Mais au moindre bruit humain…