leur aveuglement et de leur iniquité. De tous côtés on lui adressait des injures ; les miliciens eux-mêmes le traitaient avec tant de brutalité, que le manteau bleu qu’il portait sur sa tunique blanche était déjà presque déchiré en lambeaux. Jésus à tant d’outrages et de mauvais traitements opposait une inaltérable placidité ; seulement, de temps à autre il levait tristement les yeux au ciel ; mais sur son pâle et beau visage, Geneviève ne vit pas se trahir la moindre impatience, la moindre colère.
Soudain on entendit ces mots circuler dans la foule :
— Ah ! voici le seigneur Ponce-Pilate !
— Il va enfin prononcer la sentence de mort de ce Nazaréen maudit.
— Heureusement d’ici au Golgotha, où l’on supplicie les criminels, il n’y a pas loin ; nous pourrons aller le voir crucifier.
En effet, Geneviève vit bientôt paraître le seigneur Ponce-Pilate à la porte de sa maison[1] ; il venait sans doute d’être arraché au sommeil, car il s’enveloppait d’une longue robe du matin ; sa chevelure et sa barbe étaient en désordre ; ses yeux, rougis, gonflés, semblaient éblouis des rayons du soleil levant ; il put à peine dissimuler plusieurs bâillements, et semblait vivement contrarié d’avoir été réveillé de si bon matin, lui qui peut-être avait, selon son habitude, prolongé son souper jusqu’à l’aube. Aussi, s’adressant au docteur Baruch avec un ton de brusquerie et de mauvaise humeur, ainsi que quelqu’un très-impatient d’abréger une corvée qui lui pèse, il lui dit :
« — Quel est le crime dont vous accusez ce jeune homme[2] ? »
Le docteur Baruch paraissant, de son côté, blessé de la brusquerie et de la mauvaise humeur de Ponce-Pilate, lui répondit avec aigreur :
« — Si ce n’était pas un malfaiteur, nous ne vous l’aurions pas amené[3]. »