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grève, quand ils raseront de leurs fortes ailes les vagues en furie… C’est le plaisir de ce garçon ; il est si adroit, mon petit-fils Karadeuk ! il est si bon archer, mon favori !… Pendant qu’il affûte ses flèches, sa mère et sa sœur Roselyk vont activement de çà, de là, préparant la table et les mets pour le repas du soir.

La mer gronde au loin comme un tonnerre, le vent souffle à ébranler la maison, le givre tombe dans la cheminée. Gronde, tempête ! souffle, vent de mer ! tombe, givre et neige ! Oh ! qu’il fait bon, qu’il fait bon d’entendre rugir cet ouragan, chargé de frimas, lorsqu’en famille on est joyeusement réuni dans sa maison autour d’un foyer flambant ! Et puis, les jeunes garçons et leurs sœurs disent à demi-voix de ces choses qui les font à la fois frissonner et sourire ; car, en vérité, depuis cent ans, on dirait que tous les lutins et toutes les fées de la Gaule se sont réfugiés en Bretagne… N’est-ce pas encore un plaisir que d’ouïr à la veillée, durant la tempête, ces merveilles, auxquelles on croit toujours un peu quand on ne les a point vues, et bien plus encore quand on les a vues ?

Et voici ce qu’ils se disaient, ces enfants : mon petit-fils Kervan commence en secouant la tête :

— Un voyageur égaré qui passerait cette nuit près la caverne de Penmarch entendrait, plus qu’il ne le voudrait, résonner les marteaux…

— Oui, les marteaux qui tombent en mesure, pendant que ces marteleurs du diable chantent leur chanson, dont le refrain est toujours : Un, deux, trois, quatre, cinq, six, lundi, mardi, mercredi

— Ils ont même ajouté, dit-on : Jeudi, vendredi et samedi, jamais dimanche, le jour de la messe… des chrétiens (A).

— Bien heureux encore est le voyageur, si les petits Dûs, quittant leurs marteaux de faux-monnayeurs pour la danse, ne le forcent pas à se mêler à leur ronde jusqu’à ce que pour lui mort s’ensuive…

— Quels dangereux démons pourtant, que ces nains, hauts de