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avancée de la nuit, je lui racontai les aveux de Kidda. Il haussa les épaules d’un air mécontent, et me dit :

— Toujours cette idée fixe… Ton cerveau est complètement dérangé… M’éveiller pour me conter de pareilles folies !… Tu choisis d’ailleurs mal ton moment pour accuser le vénérable Tétrik : hier soir il a quitté Trêves pour retourner à Bordeaux.

Le départ de Tétrik était funeste… Cependant j’insistai si vivement auprès du général, je lui parlai avec tant de chaleur et de raison, qu’il consentit à me faire accompagner par un de ses officiers, chargé de recueillir les aveux de la bohémienne. Lui et moi, nous arrivâmes en hâte au logis… J’ouvris la porte de la salle basse, où j’avais laissé Kidda garrottée… Sans doute elle avait rongé l’écharpe avec ses dents et pris la fuite par une fenêtre encore ouverte et donnant sur le jardin… Dans mon trouble et ma précipitation, je n’avais pas songé à cette issue…

— Pauvre Scanvoch ! — me dit l’officier avec compassion, — le chagrin te rend visionnaire… tu es complètement fou…

Et, sans vouloir m’écouter davantage, il me quitta.

La volonté des dieux s’accomplit… Je renonçai à l’espoir de dévoiler les forfaits de Tétrik… Le lendemain, je quittai avec toi et Sampso, ta seconde mère, mon enfant, la ville de Trêves pour la Bretagne.

— Tu liras, hélas ! non sans tristesse et crainte pour l’avenir, mon enfant, les quelques lignes qui terminent ce récit ; tu y verras comment notre vieille Gaule, redevenue libre après trois siècles de luttes, redevenue grande et puissante sous l’influence de Victoria, devait être de nouveau, non plus soumise, mais du moins inféodée aux empereurs romains par l’infâme trahison de Tétrik !

Voyant ses projets de mariage et d’usurpation, sous les auspices des évêques, repoussés par la mère des camps, ce monstre l’avait fait empoisonner… Seule, elle aurait pu, par son abjuration et par son union avec lui, frayer à son ambition le chemin de l’empire héréditaire des