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rence si sincère ; il honora si pieusement sa mémoire par une cérémonie funèbre, où il glorifia la femme illustre dont la main toute-puissante l’avait, disait-il, si longtemps soutenu, et à laquelle il s’enorgueillissait d’avoir dû son élévation ; son chagrin parut enfin si déchirant lorsque, pâle, affaibli, fondant en larmes, s’appuyant au bras de son fils, il se traîna, chancelant, à la triste solennité dont je parle, qu’il s’acquit plus étroitement encore l’affection du peuple et de l’armée par ces derniers hommages rendus aux cendres de Victoria.

Je compris, dès lors, combien il serait vain de renouveler mes accusations contre Tétrik. Navré de voir les destinées de la Gaule entre les mains d’un homme que je savais un traître, je me décidai à quitter Trêves avec toi, mon enfant, et Sampso, ta seconde mère, afin d’aller chercher en Bretagne, notre pays natal, quelque consolation à mes chagrins.

Je voulus cependant remplir ce que je considérais comme un devoir sacré. À force d’interroger ma mémoire au sujet de l’entretien de Tétrik et de Victoria, je parvins à transcrire de nouveau cette conversation presque mot pour mot ; je fis une copie de ce récit, et je la portai, la veille de mon départ, au général de l’armée, lui disant :

— Vous croyez ma raison égarée… conservez cet écrit… puisse l’avenir ne pas vous prouver la réalité de cette accusation, à vos yeux insensée !…

Le général garda le parchemin ; mais il m’accueillit et me renvoya avec cette compatissante bonté que l’on accorde à ceux dont le cerveau est dérangé.

Je rentrai dans la maison de ma sœur de lait, où j’avais demeuré depuis sa mort… Je m’occupai, avec Sampso, des préparatifs de notre voyage… Pendant cette dernière nuit que je passai à Trêves, voici ce qui arriva :

Mora, la servante, était aussi restée dans la maison ; la douleur de cette femme, après la mort de sa maîtresse, m’avait touché. La nuit