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prochainement en Bretagne pour y finir mes jours dans les mêmes lieux où avaient vécu mes aïeux. Ma santé complètement rétablie, je me rendis chez le général commandant l’armée du Rhin : vieux soldat, il devait comprendre mieux que personne les suites funestes de la mort de Victoria. Je m’ouvris à lui sur les projets de Tétrik ; je dis aussi les soupçons que m’avait inspirés l’empoisonnement de ma sœur de lait… Telle fut la réponse du général :

— Les crimes, les desseins, dont tu accuses Tétrik sont si monstrueux, ils prouveraient une âme si infernale, que j’y croirais à peine, m’eussent-ils été attestés par Victoria, notre auguste mère, à jamais regrettée. Tu es, Scanvoch, un brave et honnête soldat ; mais ta déposition ne suffit pas pour traduire le chef de la Gaule devant le sénat et l’armée… D’ailleurs, Tétrik est mourant ; son empoisonnement même prouve jusqu’à l’évidence qu’il est innocent de la mort de Victoria ; tu serais donc le seul à accuser le chef de la Gaule, que chacun a aimé et vénéré jusqu’ici, parce qu’il s’est toujours comporté comme le premier sujet de Victoria, la véritable impératrice de la Gaule… Crois-moi, Scanvoch, raffermis tes esprits ébranlés par la mort de cette femme auguste… Ta raison, peut-être égarée par ce coup désastreux, prend sans doute de vagues appréhensions pour des réalités. Tétrik a, jusqu’ici, sagement gouverné le pays, grâce aux conseils de notre bien-aimée mère ; s’il meurt, il aura nos regrets ; s’il survit au crime mystérieux dont il a été victime, nous continuerons d’honorer celui qui fut jadis désigné à notre choix par Victoria la Grande.

Cette réponse du général me prouva que jamais je ne pourrais faire partager au sénat, à l’armée, si prévenus en faveur du chef de la Gaule, mes soupçons et ma conviction à moi, soldat obscur.

Tétrik ne mourut pas : son fils accourut à Trêves, sachant le danger que courait son père… Celui-ci, convalescent, s’entretint longuement avec les sénateurs et les chefs de l’armée ; il manifesta, au sujet de la mort de Victoria, une douleur si profonde, et en appa-