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mort de Victoria, lorsque, pour la première fois, rassemblant et raffermissant mes souvenirs, j’ai pu m’entretenir avec Sampso de notre perte irréparable… Les derniers mots qui frappèrent mon oreille, lorsque, brisé de douleur, je perdais connaissance auprès du lit de ma sœur de lait, avaient été ceux-ci :

— Tétrik, le chef de la Gaule, meurt par le poison !…

En effet, Tétrik avait été, ou plutôt, parut avoir été empoisonné en même temps que Victoria. À peine arrivé dans la maison du général de l’armée, il sembla en proie à de cruelles souffrances ; et lorsque, quinze jours après, je revins à la vie, on craignait encore pour les jours de Tétrik.

Je l’avoue, à cette nouvelle étrange, je restai stupéfait ; ma raison se refusait à croire cet homme coupable d’un forfait dont il était lui-même une des victimes.

La mort de Victoria jeta la consternation dans la ville de Trêves, dans l’armée ; plus tard, dans toute la nation. Les funérailles de l’auguste mère des camps semblaient être les funérailles de la Gaule ; on y voyait le présage de nouveaux malheurs pour le pays… Le sénat gaulois décréta l’apothéose de Victoria ; elle fut célébrée à Trêves, au milieu du deuil et des larmes de tous. La pompeuse solennité du culte druidique, le chant des bardes, donnèrent un imposant éclat à cette cérémonie funèbre… Pendant huit jours, Victoria, embaumée et couchée sur un lit d’ivoire, couverte d’un tapis de drap d’or, fut exposée à la vénération de tous les citoyens, qui se pressaient en foule dans la maison mortuaire, sans cesse envahie par cette armée du Rhin, dont Victoria était véritablement la mère (I). Enfin elle fut portée sur un bûcher, selon l’antique usage de nos pères : les parfums fumèrent dans les rues de Trêves, sur le passage du cortège, suivi de toute l’armée, précédé des bardes chantant sur leurs harpes d’or les louanges de cette femme illustre ; puis, le bûcher mis en feu, elle disparut au milieu des flammes étincelantes.

Une médaille, frappée le jour même de la cérémonie funèbre, re-