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avec un accent rempli d’anxiété. — Oh ! ce serait un grand malheur !

— Parlez donc de nouveau, si vous voulez que ce malheur soit réparable…

— Qu’il en soit ainsi que vous le désirez, Victoria… bien qu’une pareille singularité de votre part me confonde… Vous le voulez ? soit… notre entretien d’hier n’a pas eu lieu… je vous revois en ce moment pour la première fois après une assez longue absence, quoiqu’une fréquente correspondance ait toujours eu lieu entre nous, et je vous dis ceci : Il y a cinq ans, frappé au cœur par la mort de Victorin… mort à jamais funeste, qui emportait avec elle mes espérances pour le glorieux avenir de la Gaule !… j’étais mourant en Italie, à Rome, où mon fils m’avait accompagné… Ce voyage, selon les médecins, devait rétablir ma santé ; ils se trompaient : mes maux empiraient… Dieu voulut qu’un prêtre chrétien me fût secrètement amené par un de mes amis récemment converti… La foi m’éclaira et, en m’éclairant, elle fit un miracle de plus, elle me sauva de la mort… Je revins à une vie pour ainsi dire nouvelle, avec une religion nouvelle… Mon fils abjura comme moi, mais en secret, les faux dieux que nous avions jusqu’alors adorés… À cette époque, je reçus une lettre de vous, Victoria ; vous m’appreniez le meurtre de Marion : guidé par vous, et selon mes prévisions, il avait sagement, gouverné la Gaule… Je restai anéanti à cette nouvelle, aussi désespérante qu’inattendue ; vous me conjuriez, au nom des intérêts les plus sacrés du pays, de revenir en Gaule : personne, disiez-vous, n’était capable, sinon moi, de remplacer Marion… Vous alliez plus loin : moi seul, dans l’ère nouvelle et pacifique qui s’ouvrait pour notre pays, je pouvais, en le gouvernant, combler sa prospérité ; vous faisiez un véhément appel à ma vieille amitié pour vous, à mon dévouement à notre patrie… Je quittai Rome avec mon fils ; un mois après j’étais auprès de vous, à Mayence ; vous me promettiez votre tout-puissant appui auprès de l’armée, car vous étiez ce que vous êtes encore aujourd’hui, la mère des camps… Présenté par vous à l’armée, je fus