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— Comme tous les poëtes… vous relisez plusieurs fois vos vers afin de les corriger ?

— Sans doute… mais…

— Vous les oubliez, si cela se peut dire, à cette fin qu’en les lisant de nouveau vous soyez frappé davantage de ce qui pourrait blesser votre esprit et votre oreille.

— Certes, après avoir d’inspiration écrit quelque ode, il m’est parfois arrivé de laisser, ainsi que l’on dit, dormir ces vers pendant plusieurs mois ; puis, les relisant, j’étais choqué de choses qui m’avaient d’abord échappé. Mais encore une fois, Victoria, il n’est pas question de poésie…

— Il y a un grand avantage en effet à laisser ainsi dormir des idées et à les reprendre ensuite, — répondit ma sœur de lait avec un sang-froid dont j’étais de plus en plus étonné. — Oui, cette méthode est bonne ; ce qui, sous le feu de l’inspiration, ne nous avait pas d’abord blessé… nous blesse parfois, alors que l’inspiration s’est refroidie… Si cette épreuve est utile pour un frivole jeu d’esprit, ne doit-elle pas être plus utile encore lorsqu’il s’agit des circonstances graves de la vie ?…

— Victoria… je ne vous comprends pas.

— Hier, dans la journée, j’ai reçu de vous une lettre conçue en ces termes : « Ce soir, je serai à Trêves à l’insu de tous ; je vous adjure au nom des plus grands intérêts de notre chère patrie, de me recevoir en secret, et de ne parler à personne, pas même à votre ami et frère Scanvoch ; j’attendrai vers minuit votre réponse à la porte du jardin de votre maison. »

— Et cette entrevue… vous me l’avez accordée, Victoria… Malheureusement pour moi, elle n’a pas été décisive, et au lieu de retourner à Mayence sans que ma venue ait été connue dans cette ville, j’ai été forcé de rester aujourd’hui, puisque vous avez remis à ce matin la réponse et la résolution que j’attends de vous.

— Cette résolution, je ne saurais vous la faire connaître avant d’a-