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pour elle, car tu la chérissais comme ta mère qu’elle remplaçait, les nécessités de ton éducation, enfin les instances de Victoria, qui, appréciant les excellentes qualités de Sampso, désirait vivement cette union : tout m’engageait à proposer ma main à ta tante. Elle accepta ; sans le souvenir de la mort de Victorin et de celle d’Ellèn, dont nous parlions chaque jour avec Sampso, les larmes aux yeux, sans la douleur incurable de Victoria, songeant toujours à son fils et à son petit-fils, j’aurais retrouvé le bonheur après tant de chagrins.

J’habitais donc la maison de Victoria dans la ville de Trêves : le jour venait de se lever, je m’occupais de quelques écritures pour la mère des camps, car j’avais conservé mes fonctions près d’elle, j’ai vu entrer chez moi sa servante de confiance, nommée Mora ; elle était née, disait-elle, en Mauritanie, d’où lui venait son nom de Mora ; elle avait, ainsi que les habitants de ce pays, le teint bronzé, presque noir, comme celui des nègres ; cependant, malgré la sombre couleur de ses traits, elle était jeune et belle encore. Depuis quatre ans (remarque cette date, mon enfant), depuis quatre ans que Mora servait ma sœur de lait, elle avait gagné son affection par son zèle, sa réserve et son dévouement qui semblait à toute épreuve : parfois Victoria, cherchant quelque distraction à ses chagrins, demandait à Mora de chanter, car sa voix était remarquablement pure ; elle savait des airs d’une mélancolie douce et étrange. Un des officiers de l’armée était allé jusqu’au Danube ; il nous dit un jour, en écoutant Mora, qu’il avait déjà entendu ces chants singuliers dans les montagnes de Hongrie. Mora parut fort surprise, et répondit qu’elle avait appris tout enfant, dans son pays de Mauritanie, les mélodies qu’elle nous répétait.

— Scanvoch, — me dit Mora — en entrant chez moi, ma maîtresse désire vous parler.

— Je te suis, Mora.

— Un mot auparavant, je vous prie.

— Que veux-tu ?