— En es-tu certain ?
— Eustache me l’a dit… il éprouvait même… sans savoir pourquoi, de l’éloignement pour le gouverneur… Cela ne m’a pas surpris… Eustache… n’aimait que moi…
— Lui… et il t’a tué !… Parle, et je te le jure par Hésus ! je te garde le secret… sinon… non…
— Je parlerai… mais ton silence sur cette chose ne me suffit pas. Vingt fois j’ai proposé à mon ami Eustache de partager ma bourse avec lui… il a répondu à mes offres par des injures… Ah ! ce n’est pas une âme vénale… que la sienne… il n’a pas d’argent… comment pourra-t-il fuir ?…
— Je favoriserai sa fuite… j’aurai hâte de délivrer le camp et la ville de la présence d’un pareil monstre !
— Un monstre ! — murmura Marion d’un ton de douloureux reproche. — Tu n’as que ce mot-là à la bouche… un monstre !…
— Comment et à propos de quoi t’a-t-il frappé ?
— Depuis mon acclamation comme chef… nous…
Mais, s’interrompant, Marion ajouta :
— Tu me jures de favoriser la fuite d’Eustache ?
— Par Hésus, je te le jure ! Mais achève…
— Depuis mon acclamation comme chef de la Gaule… et général (ah ! combien j’avais donc raison… de refuser cette peste d’élévation… c’était sûrement un pressentiment…) mon ami Eustache était devenu encore plus hargneux, plus bourru… que d’habitude… il craignait, la pauvre âme… que mon élévation ne me rendît fier… Moi, fier…
Puis, s’interrompant encore, Marion ajouta en agitant çà et là ses mains autour de lui…
— Scanvoch, où es-tu ?
— Là, — lui ai-je dit en pressant entre les miennes sa main déjà froide. — Je suis là, près de toi…
— Je ne te vois plus… — Et sa voix s’affaiblissait de moment en