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— Cette épée appartient à quelqu’un, — ai-je dit en ramassant l’arme et en l’examinant plus attentivement ; je crus voir à travers le sang dont elle était couverte quelques caractères gravés sur la lame ; pour m’en assurer, je l’essuyai avec des feuilles d’arbre pendant que Marion s’écriait :

— Laisseras-tu cette épée ?… Ne frotte pas ainsi la lame de cette épée !… Oh ! les forces me manquent pour me lever et aller t’arracher cette arme des mains… Malédiction sur toi, qui viens ainsi troubler mes derniers moments !… Ah ! c’est le diable qui t’envoie !

— Ce sont les dieux qui m’envoient ! — me suis-je écrié frappé d’horreur. — C’est Hésus qui m’envoie pour la punition du plus affreux des crimes… Un ami… tuer son ami !…

— Tu mens… tu mens…

— C’est Eustache qui t’a frappé !

— Tu mens !… Oh ! pourquoi faut-il que je sois si défaillant ?… J’étoufferais ces paroles dans ta gorge maudite !…

— Tu as été frappé par cette épée, don de ton amitié à cet infâme meurtrier…

— C’est faux !…

Marion a forgé cette épée pour son cher ami Eustache… tels sont les mots gravés sur la lame de cette arme, — lui ai-je dit en lui montrant du doigt cette inscription creusée dans l’acier.

— Cette inscription ne prouve rien… — reprit Marion avec angoisse. — Celui qui m’a frappé avait dérobé l’épée de mon ami Eustache, voilà tout…

— Tu excuses encore cet homme… Oh ! il n’y aura pas de supplice assez cruel pour ce meurtrier !…

— Écoute, Scanvoch, — reprit Marion d’une voix affaiblie et suppliante, — je vais mourir… on ne refuse rien à la prière d’un mourant…

— Oh ! parle, parle, bon et brave soldat… Puisque, pour le mal-