Pierre, par lâche faiblesse ou par peur de partager le sort de son maître, le reniant deux fois et se parjurant pour cette indignité, était à ses yeux le dernier des hommes ; plus que jamais elle plaignait le fils de Marie d’avoir été trahi, livré, abandonné, renié par ceux-là qu’il aimait tant. Elle s’expliquait ainsi la tristesse navrante qu’elle avait remarquée sur ses traits. Une grande âme comme la sienne ne devait pas redouter la mort, mais se désespérer de l’ingratitude de ceux qu’il croyait ses amis les plus chers.
L’esclave quitta la maison du prince des prêtres où était resté Pierre, le renégat, et rejoignit bientôt les soldats qui emmenaient Jésus. Le jour commençait à poindre ; plusieurs mendiants et vagabonds qui avaient dormi sur des bancs placés de chaque côté de la porte des maisons, s’éveillèrent au bruit des pas des soldats qui emmenaient le jeune maître. Un moment Geneviève espéra que ces pauvres gens, qui le suivaient en tous lieux, l’appelaient leur ami, et sur le malheur desquels il s’apitoyait si tendrement, allaient avertir leurs compagnons afin de les rassembler pour délivrer Jésus ; aussi dit-elle à l’un de ces hommes :
— Ne savez-vous pas que ces soldats emmènent le jeune maître de Nazareth, l’ami des pauvres et des affligés ? On veut le faire mourir, courez le défendre… délivrez-le ! soulevez le peuple ! ces soldats fuiront devant lui.
Mais cet homme répondit d’un air craintif :
— Les miliciens de Jérusalem fuiraient peut-être ; mais les soldats de Ponce-Pilate sont aguerris, ils ont de bonnes lances, d’épaisses cuirasses, des épées bien tranchantes… que pouvons-nous tenter ?
— Mais l’on se soulève en masse, on s’arme de pierres, de bâtons ! — s’écria Geneviève, — et du moins vous mourrez pour venger celui qui a consacré sa vie à votre cause !
Le mendiant secoua la tête, et répondit pendant qu’un de ses compagnons se rapprochait de lui :