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disparu, Tétrik quitta Mayence après avoir échangé avec Victoria les plus touchants adieux. Le capitaine Marion, présenté aux troupes par la mère des camps, fut acclamé chef de la Gaule et général de l’armée. Ce choix n’avait rien de surprenant, et d’ailleurs, proposé par Victoria, dont l’influence avait pour ainsi dire encore augmenté depuis la mort de son fils et de son petit-fils, il devait être accepté. La bravoure, le bon sens, la sagesse de Marion, étaient d’ailleurs depuis longtemps connus et aimés des soldats. Le nouveau général, après son acclamation, prononça ces paroles que j’ai vues plus tard reproduites par un historien contemporain (E) :

« Camarades, je sais que l’on peut m’objecter le métier que j’ai fait dans ma jeunesse : me blâme qui voudra ; oui, qu’on me reproche tant qu’on voudra d’avoir été forgeron, pourvu que l’ennemi reconnaisse que j’ai forgé pour sa ruine ; mais, à votre tour, mes bons camarades, n’oubliez jamais que le chef que vous venez de choisir n’a su et ne saura jamais tenir que l’épée. »

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Marion, doué d’un rare bon sens, d’un esprit droit et ferme, recherchant sans cesse les conseils de Victoria, gouverna sagement, et s’attacha l’armée, jusqu’au jour où, deux mois après son acclamation, il fut victime d’un crime horrible. Les circonstances de ce crime, il me faut te les raconter, mon enfant, car elles se rattachent à la trame sanglante qui devait un jour envelopper presque tous ceux que j’aimais et que je vénérais.

Deux mois s’étaient donc écoulés depuis la funeste nuit où ma femme Ellèn, Victorin et son fils avaient perdu la vie. Le séjour de ma maison m’était devenu insupportable ; de trop cruels souvenirs s’y rattachaient. Victoria me demanda de venir demeurer chez elle avec Sampso, qui te servait de mère.

— Me voici maintenant seule au monde, et séparée de mon fils et de mon petit-fils jusqu’à la fin de mes jours… — me dit ma sœur de lait. — Tu le sais, Scanvoch, toutes les affections de ma vie se con-