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mondes inconnus où nous irons les retrouver un jour ?… Fasse Hésus que ce jour arrive bientôt pour moi !

— Ah ! notre foi druidique sera toujours la consolation des fortes âmes et le soutien des faibles, — reprit Tétrik. — Hélas ! sans la certitude de rejoindre un jour ceux que nous avons aimés, combien leur mort nous serait plus affreuse !… Croyez-moi, Victoria, je reverrai avant vous ceux-là que nous pleurons ; et, selon votre désir, je leur rendrai aujourd’hui, avant mon départ, un dernier et religieux hommage.

Tétrik et le capitaine Marion nous laissèrent seuls, Victoria, Sampso et moi.

Ne contraignant plus nos larmes, nous avons, dans un pieux et muet recueillement, paré Ellèn de ses habits de mariage, pendant que, cédant au sommeil, tu dormais dans ton berceau, mon enfant.

Victoria, pour s’occuper des plus grands intérêts de la Gaule, avait héroïquement contenu sa douleur ; elle lui donna un libre cours après le départ de Tétrik et de Marion ; elle voulut laver elle-même les blessures de son fils et de son petit-fils ; et de ses mains maternelles, elle les ensevelit dans un même linceul. Deux bûchers furent dressés sur les bords du Rhin : l’un destiné à Victoria et son enfant, et l’autre à ma femme Ellèn.

Vers le milieu du jour, deux chariots de guerre, couverts de feuillage, et accompagnés de plusieurs de nos druides et de nos druidesses vénérées, se rendirent à ma maison. Le corps de ma femme Ellèn fut déposé dans l’un des chariots, et dans l’autre furent placés les restes de Victorin et de son fils.

— Scanvoch, — me dit Victoria, — je suivrai à pied le char où repose ta bien-aimée femme. Sois miséricordieux, mon frère… suis le char où sont déposés les restes de mon fils et de mon petit-fils. Aux yeux de tous, toi, l’époux outragé, tu pardonneras ainsi à la mémoire de Victorin… Et moi aussi, aux yeux de tous, je te pardonnerai, comme mère, la mort, hélas ! trop méritée de mon fils…