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— Oh ! la seconde… — et le capitaine secoua la tête, — la seconde est pour moi aussi importante que la première…

— Enfin, quelle est-elle ? — demanda ma sœur de lait. — Expliquez-vous, Marion.

— Je ne sais, — reprit le bon capitaine d’un air naïf et embarrassé, — je ne sais si je vous ai parlé de mon ami Eustache ?

— Oui, et plus d’une fois, — répondit Tétrik. — Mais qu’a de commun votre ami Eustache avec vos nouvelles fonctions ?

— Comment ! — s’écria Marion, — vous me demandez ce que mon ami Eustache a de commun avec moi ? Alors demandez ce que la garde de l’épée a de commun avec la lame, le marteau avec son manche, le soufflet avec la forge…

— Vous êtes enfin liés l’un à l’autre d’une ancienne et étroite amitié, nous le savons, — reprit Victoria. — Désirez-vous, capitaine, accorder quelque faveur à votre ami ?

— Je ne consentirais jamais à me séparer de lui ; il n’est pas gai, il est toujours maussade, et souvent hargneux ; mais il m’aime autant que je l’aime, et nous ne pouvons nous passer l’un de l’autre… Or l’on trouvera peut-être surprenant que le chef de la Gaule ait pour ami intime et pour commensal un soldat, un ancien ouvrier forgeron… Mais, je vous l’ai dit, Victoria, s’il faut me séparer de mon ami Eustache, rien n’est fait… je refuse… Son amitié seule peut me rendre le fardeau supportable.

— Scanvoch, mon frère de lait, resté simple cavalier de l’armée, n’est-il pas mon ami ? — dit Victoria. — Personne ne s’étonne d’une amitié qui nous honore tous deux. Il en sera ainsi, capitaine Marion, de votre amitié pour votre ancien compagnon de forge.

— Et votre élévation, capitaine Marion, doublera votre mutuelle affection, — dit Tétrik ; — car dans son tendre attachement, votre ami jouira peut-être de votre élévation plus que vous-même.

— Je ne crois pas que mon ami Eustache se réjouisse fort de mon élévation, — reprit Marion ; — Eustache n’est point glorieux, tant s’en