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l’ai chargé de me trouver un homme sûr, et de lui donner l’ordre de se rendre, la nuit venue, à la porte de la ville, où il attendrait le cavalier qu’il devait accompagner.

— Et depuis, — ai-je dit au capitaine, — vous n’avez pas revu votre ami Eustache ?

— Non ; il est de garde aux avant-postes du camp depuis hier soir, et il ne sera relevé de service que ce matin.

— On pourra du moins savoir par cet homme le nom du cavalier qui escortait Scanvoch, — reprit Victoria. Je vous dirai plus tard, Tétrik, l’importance que j’attache à ce renseignement, et vous me conseillerez…

— Vous m’excuserez, Victoria, de ne pas me rendre à votre désir, — reprit le gouverneur en soupirant. — Dans une heure, au point du jour, j’aurai quitté Mayence… la vue de ces lieux m’est trop cruelle… Je possède une humble retraite en Gascogne, c’est là que je vais aller ensevelir ma vie, en compagnie de mon fils, car il est désormais la seule consolation qui me reste…

— Mon ami, — reprit Victoria d’un ton de douloureux reproche, — vous m’abandonneriez dans un pareil moment ?… L’aspect de ces lieux vous est cruel, dites-vous ? Et à moi… ces lieux ne me rappelleront-ils pas chaque jour d’affreux souvenirs ? Pourtant je ne quitterai Mayence que lorsque le capitaine Marion n’aura plus besoin de mes conseils, s’il croit devoir m’en demander dans les premiers temps de son gouvernement.

— Victoria, — reprit Marion d’un accent résolu, — pendant cet entretien, où l’on a disposé de moi, je n’ai rien dit ; je suis peu parleur, et cette nuit j’ai le cœur très-gros ; j’ai donc peu parlé, mais j’ai beaucoup réfléchi… Mes réflexions, les voici : J’aime le métier des armes, je sais exécuter les ordres d’un général, je ne suis pas malhabile à commander aux troupes qu’on me confie ; je sais, au besoin, concevoir un plan d’attaque, comme celui qui a complété la grande victoire de Victorin, en détruisant le camp et la réserve des