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— Tétrik, — reprit Marion d’un ton grave, — vous avez supérieurement défini l’homme qu’il faudrait pour gouverner la Gaule ; il n’y a qu’une chose à changer dans cette peinture, c’est le nom du portrait… Au lieu de mon nom, mettez-y le vôtre… tout sera bien… et tout sera fait…

— Moi ! — s’écria Tétrik, — moi, chef de la Gaule ! Moi, qui de ma vie n’ai tenu l’épée !

— Victoria l’a dit, — reprit Marion, — le temps de la guerre est fini, le temps de la paix est venu ; en temps de guerre, il faut des hommes de guerre… en temps de paix, des hommes de paix… Vous êtes de ceux-là, Tétrik… c’est à vous de gouverner… N’est-ce point votre avis, Victoria ?

— Tétrik, par la manière dont il a gouverné la Gascogne, a montré comment il gouvernerait la Gaule, — répondit ma sœur de lait ; — je me joins donc à vous, capitaine, pour prier… mon parent… mon ami… de remplacer mon fils…

— Que vous avais-je dit, Tétrik ? — reprit Marion en s’adressant au gouverneur. — Oserez-vous refuser maintenant ?

— Écoutez-moi, Victoria, écoutez-moi, capitaine, écoutez aussi, Scanvoch, — reprit le gouverneur en se tournant vers moi, — oui, vous aussi, écoutez-moi, Scanvoch, vous non moins malheureux en ce jour que la mère de Victorin… vous qui, dans l’ombrageuse défiance de votre amitié pour cette femme auguste, avez douté de moi, croyez tous à mes paroles… Je suis à jamais frappé… là, au cœur, par les événements de cette nuit terrible ; ils nous ont à la fois ravi, dans la personne de notre infortuné Victorin et de son innocent enfant, le présent et l’avenir de la Gaule… C’était pour assurer, pour affermir cet avenir, en engageant Victoria à proposer aux troupes son petit-fils comme futur héritier de Victorin, que j’étais, elle le sait, venu à Mayence… Mes espérances sont détruites… un deuil éternel les remplace…