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par votre patriotisme, les femmes les plus augustes dont s’honore l’histoire du monde !

— Quel est votre avis, Tétrik, sur le successeur de Victorin ?… Le capitaine Marion et moi, nous parlerons après vous, — reprit la mère des camps sans paraître entendre les louanges du gouverneur de Gascogne. — Oui, quel homme croyez-vous capable de remplacer mon fils… à la gloire et à l’avantage de la Gaule ?

— Comment pourrais-je vous donner mon avis ? — reprit Tétrik avec accablement. — Moi, vous conseiller sur un sujet aussi grave, lorsque j’ai le cœur brisé, la raison troublée par la douleur… est-ce donc possible ?

— Cela est possible, puisque me voici, moi… entre le corps de mon fils et celui de mon petit-fils, prête à donner mon avis…

— Vous l’exigez, Victoria ?… Je parlerai, si je puis toutefois rassembler deux idées… Il faudrait, selon moi, pour gouverner la Gaule, un homme sage, ferme, éclairé, plus enclin à la paix qu’à la guerre… maintenant surtout que nous n’avons plus à redouter le voisinage des Franks, grâce à l’épée de ce jeune héros, que j’aimais et que je regretterai éternellement…

Le gouverneur s’interrompit pour donner de nouveau cours à ses larmes.

— Nous pleurerons plus tard… — reprit Victoria. — La vie est longue… mais cette nuit s’avance…

Tétrik continua, en essuyant ses yeux :

— Il me semble donc que le successeur de notre Victorin doit être un homme surtout recommandable par son bon sens, sa ferme raison et par son dévouement longuement éprouvé au service de notre bien-aimée patrie… Or, si je ne me trompe, le seul qui réunisse ces excellentes qualités, c’est le capitaine Marion que voici…

— Moi ? — s’écria le capitaine en levant au plafond ses deux mains énormes, — moi ! chef de la Gaule… Le chagrin vous rend donc fou… Moi ! chef de la Gaule !…