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— Qu’ils viennent tous deux !

— Quoi ! vous voulez ?…

— Je veux qu’ils viennent tous deux à l’instant.

— Ici… dans cette chambre mortuaire ?

— Ici, dans cette chambre mortuaire… Oui, ici, Scanvoch, devant les restes inanimés de ta femme, de mon fils et de son enfant. Si cet homme a noué cette ténébreuse et horrible trame, cet homme, fût-il un démon d’hypocrisie et de férocité, se trahira par son trouble à la vue de ses victimes… à la vue d’une mère entre les corps de son fils et de son petit-fils… à la vue d’un époux près du corps de sa femme ! Va, mon frère, qu’ils viennent… qu’ils viennent… Il faut aussi retrouver à tout prix ce soldat inconnu, ton compagnon de route.

— J’y songe, — ajoutai-je frappé d’un souvenir soudain, — c’est le capitaine Marion qui a choisi ce cavalier dont j’étais escorté… il le connaît.

— Nous interrogerons le capitaine… Va, mon frère, qu’ils viennent… qu’ils viennent…

J’obéis à Victoria… J’appelai Tétrik et Marion ; ils accoururent.

J’eus le courage, malgré ma douleur, d’observer attentivement la physionomie du gouverneur de Gascogne… Dès qu’il entra, le premier objet qui parut frapper ses regards fut le cadavre de Victorin… Les traits de Tétrik prirent aussitôt une expression déchirante, ses larmes coulèrent à flots, et se jetant à genoux auprès du corps en joignant les mains, il s’écria d’une voix entrecoupée :

— Mort à la fleur de son âge… mort… lui si vaillant…si généreux ! lui, l’espoir, la forte épée de la Gaule… Ah ! j’oublie les égarements de cet infortuné devant l’affreux malheur qui frappe mon pays… Par ta mort ! Victorin… oh ! Victorin…

Tétrik ne put continuer, les sanglots étouffèrent sa voix. À genoux et affaissé sur lui-même, le visage caché entre ses deux mains, pleurant à chaudes larmes, il restait comme écrasé de douleur auprès du corps de Victorin.