Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/237

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Écoutez, — lui dis-je me rappelant plusieurs circonstances dont le souvenir m’avait échappé dans le premier égarement de ma douleur. — Arrivé devant la porte de ma maison, j’ai heurté ; les cris lointains de Sampso m’ont seuls répondu… Peu d’instants après, la fenêtre basse de la chambre de ma femme s’est ouverte, j’y ai couru : les volets s’écartaient pour livrer passage à un homme, tandis qu’Ellèn criait au secours… J’ai repoussé l’homme dans la chambre, alors noire comme une tombe, et j’ai, dans l’ombre, frappé votre fils. Presque aussitôt deux bras m’ont étreint… Je me suis cru attaqué par un nouvel assaillant… J’ai encore frappé dans l’ombre… c’était Ellèn que je tuais…

Et je n’ai pu contenir mes sanglots.

— Frère, frère… — m’a dit Victoria, — c’est une terrible et fatale nuit que celle-ci…

— Écoutez encore… et surtout écoutez ceci… — ai-je dit à ma sœur de lait, en surmontant mon émotion. — Au moment où je reconnaissais la voix expirante de ma femme j’ai vu à la clarté lunaire une femme debout sur l’appui de la croisée…

— Une femme ! — s’écria Victoria.

— Celle-là peut-être dont la voix m’avait trompée, — dit Sampso, en m’annonçant un message de la mère des camps…

— Je le crois, — ai-je repris, — et cette femme, sans doute complice du crime de Victorin, l’a appelé, lui disant qu’il fallait fuir… qu’elle était à lui, puisqu’il avait tenu sa promesse.

— Sa promesse ? — reprit Victoria, — quelle promesse ?

— Le déshonneur d’Ellèn !…

Ma sœur de lait tressaillit et ajouta :

— Je te dis, Scanvoch, que ce crime est entouré d’un horrible mystère… Mais cette femme, qui était-elle ?

— Une des deux bohémiennes arrivées à Mayence depuis quelque temps… Écoutez encore… La bohémienne ne recevant pas de réponse de Victorin, et entendant au loin le tumulte des soldats accou-