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— Elle meurt comme l’hôtesse de la taverne de l’île du Rhin.

— Victorin ! — s’écria Douarnek, — nous t’avions pardonné, nous avions cru à ta foi de soldat ; tu es l’un des chefs de la Gaule… tu es notre général… tu n’échapperas pas à la peine de tes crimes ! Plus nous t’avons aimé, plus nous t’abhorrons !…

— Nous serons tes bourreaux !

— Nous t’avons glorifié… nous te châtierons !

— Un général tel que toi déshonore la Gaule et l’armée !

— Il faut un exemple terrible !

— À mort, Victorin ! à mort !…

— Impossible d’aller chercher du secours ; ma sœur est perdue, — me dit Sampso avec désespoir, pendant que je tâchais, mais toujours en vain, de me faire entendre de cette foule en délire, dont les mille cris couvraient ma voix.

— Je vais essayer de sortir par la fenêtre, — me dit Sampso.

Et elle s’élança vers la chambre mortuaire. Moi, faisant tous mes efforts pour empêcher les soldats furieux contre leur général d’envahir ma demeure, je criais :

— Retirez-vous… laissez-moi seul dans cette maison de deuil… Justice est faite !… retirez-vous…

Le tumulte, toujours croissant, étouffa mes paroles ; je vis revenir Sampso te portant dans ses bras, mon enfant ; elle me dit en sanglotant :

— Mon frère, plus d’espoir ! Ellèn est glacée… son cœur ne bat plus… elle est morte !…

— Morte ! morte ! Hésus, ayez pitié de moi ! — ai-je murmuré en m’appuyant contre la muraille du vestibule, car je me sentais défaillir. Mais soudain je revins à moi et tressaillis de tous mes membres, en entendant ces mots circuler parmi les soldats :

— Voici Victoria ! voici notre mère !…

Et la foule, dégageant les abords de ma maison, reflua vers le milieu de la place pour aller au-devant de ma sœur de lait. Tel était le