entre les deux volets à demi refermés par le vent… Soudain, ils s’ouvrirent complètement du dehors, et à la clarté lunaire, je vis une femme svelte, grande, vêtue d’une jupe rouge et d’un corset de toile d’argent, montée au dehors sur l’appui de la fenêtre.
— Victorin, — dit-elle, — beau Tarquin d’une nouvelle Lucrèce, quitte cette maison, la nuit s’avance. Je t’ai vu à minuit, l’heure convenue, entrer par la porte en l’absence du mari… Tu vas sortir de chez ta belle par la fenêtre, chemin des amants… tu as accompli ta promesse… maintenant je suis à toi… Viens, mon char nous attend, fuyons…
— Victorin ! — m’écriai-je avec horreur, me croyant le jouet d’un rêve épouvantable, — c’était lui… je l’ai tué !…
— Le mari ! — reprit Kidda, la bohémienne, en sautant en arrière… — C’est le diable qui l’a ramené !…
Et elle disparut.
Quelques instants après j’entendis le bruit des roues d’un char et le tintement du grelot de la mule qui l’entraînait rapidement, tandis que, au loin, du côté de la porte du camp, s’élevait une rumeur lointaine et toujours croissante, comme celle d’une foule qui s’approche en tumulte. À ma première stupeur succéda une angoisse terrible, mêlée d’une dernière espérance : Ellèn n’était peut-être pas morte… Je courus à la porte de la chambre, fermée en dedans ; j’appelai Sampso à grands cris ; sa voix me répondit d’une pièce voisine ; on l’y avait enfermée… Je la délivrai, m’écriant :
— J’ai frappé Ellèn dans l’obscurité… la blessure n’est peut-être pas mortelle ; courez chez Omer, le druide…
— J’y cours, — me répondit Sampso sans m’interroger davantage.
Elle se précipita vers la porte de la maison verrouillée à l’intérieur. Au moment, où elle l’ouvrait, je vis s’avancer sur la place où était située ma maison, tout proche de la porte du camp, une foule de soldats : plusieurs portaient des torches ; tous poussaient des cris menaçants, au milieu desquels revenait sans cesse le nom de Victorin.