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que ton visage est pâle, sinistre, sardonique comme celui d’un désespéré… »

— Que vous a répondu Victorin ?

— Rien ; il est retombé dans ce morne silence où je le vois si souvent plongé, et dont il ne sort que pour jeter autour de lui des regards presque égarés… Alors je lui ai présenté son enfant, que je tenais entre mes bras ; il l’a pris et l’a embrassé plusieurs fois avec tendresse ; puis il l’a replacé dans son berceau, et s’est retiré brusquement sans prononcer une parole, sans doute pour me cacher ses larmes ; car j’ai vu qu’il pleurait… Ah ! Scanvoch, mon cœur se brise en songeant à l’avenir que je voyais si beau pour la Gaule, pour mon fils et pour moi…

J’ai tâché de consoler Victoria en cherchant inutilement avec elle la cause du mystérieux chagrin de son fils ; puis l’heure me pressant, car je devais voyager la nuit, afin d’accomplir ma mission le plus promptement possible, j’ai quitté ma sœur de lait pour rentrer chez moi et embrasser ta mère et toi, mon enfant, avant de me mettre en route. J’ai trouvé Ellèn et sa sœur assises auprès de ton berceau… En me voyant, Sampso s’écria :

— Vous arrivez à propos, Scanvoch, pour m’aider à convaincre Ellèn que sa faiblesse est sans excuse… voyez ses larmes…

— Qu’as-tu, mon Ellèn ? — lui dis-je avec inquiétude, — d’où vient ton chagrin ?

Elle baissa la tête, ne me répondit pas et continua de pleurer.

— Elle n’ose vous avouer la cause de son chagrin, Scanvoch : mais savez-vous pourquoi ma sœur se désole ainsi ? C’est parce que vous partez…

— Quoi ? — dis-je à Ellèn — d’un ton de tendre reproche, toi toujours si courageuse quand je partais pour la bataille, te voici craintive, éplorée, alors que je m’éloigne pour un voyage de quelques jours au plus, entrepris au milieu de la Gaule, en pleine paix !… Ellèn… tes inquiétudes n’ont pas de motif.