Bohémienne… Mais, — ajouta le jeune général en s’interrompant et regardant au loin devant lui, — vois donc là-bas ces flambeaux… Bonheur du ciel ! c’est ma mère… Dans son inquiétude, elle aura voulu se rapprocher du champ de bataille pour savoir des nouvelles de la journée… Ah ! Scanvoch, je suis jeune, impétueux, ardent aux plaisirs, jamais ils ne me lassent, j’en jouis avec ivresse… Pourtant, je t’en fais le serment par l’épée de mon père ! je donnerais toutes mes joies à venir pour ce que je vais éprouver dans quelques instants, lorsque ma mère me pressera sur sa poitrine !
Et en disant ceci, il s’élança à toute bride et sans m’attendre vers Victoria, qui s’approchait en effet. Lorsque je les eus rejoints, ils étaient tous deux descendus de cheval ; Victoria tenait Victorin étroitement embrassé, lui disant avec un accent impossible à rendre :
– Mon fils, je suis une heureuse mère !…
À la lueur des torches que portaient les cavaliers de l’escorte de Victoria, je remarquai seulement alors que sa main droite était enveloppée de linges. Victorin dit avec anxiété :
– Seriez-vous blessée, ma mère ?
– Légèrement, — répondit Victoria. Puis, s’adressant à moi, elle me tendit affectueusement la main :
– Frère, te voilà, mon cœur est joyeux…
– Mais cette blessure, qui vous l’a faite ?
– La femme franque qu’Ellèn et Sampso ont conduite près de moi…
– Elwig ! — m’écriai-je avec horreur. — Oh ! la maudite !… elle s’est montrée digne de sa race maudite !…
– Scanvoch ! — me dit Victoria d’un air grave, — il ne faut pas maudire les morts… Celle que tu appelles Elwig n’existe plus…
– Ma mère, — reprit Victorin avec une anxiété croissante, — ma chère mère, vous nous l’attestez, cette blessure est légère ?
– Tiens, mon fils, regarde.