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auparavant j’avais entendu le piétinement sourd et lointain, arrivait alors, broyant sous les pieds des chevaux impétueusement lancés tout ce qu’elle rencontrait sur son passage… Cette légion, formée sur trois rangs, arrivait avec la rapidité d’un ouragan ; nous devions être, Néroweg et moi, mille fois écrasés, car elle présentait un front de bataille de deux cents pas d’étendue ; eussé-je eu le temps de remonter à cheval, il m’aurait été presque impossible de gagner de vitesse ou la droite ou la gauche de cette longue ligne de cavalerie, et d’échapper ainsi à son terrible choc… J’essayai pourtant, et malgré mon regret de n’avoir pu achever le roi frank, tant ma haine contre lui était féroce… Je profitai de l’accident, qui, par la chute du cheval de Néroweg, avait interrompu un moment notre combat, pour sauter sur Tom-Bras alors à ma portée. Il me fallut user rudement du mors et du plat de mon épée pour faire lâcher prise à mon coursier, acharné sur le corps de l’autre étalon, qu’il dévorait en le frappant de ses pieds de devant. J’y parvins à l’instant où la longue ligne de cavalerie, m’enveloppant de toute part, et hâtant encore de la voix et des talons le galop précipité de Tom-Bras, je m’élançai, devançant toujours la légion, et jetant derrière moi un dernier regard sur le roi frank ; la figure ensanglantée, il me poursuivait éperdu en brandissant son épée… Soudain je le vis disparaître dans le nuage de poussière soulevé par le galop impétueux des cavaliers.

– Hésus m’a exaucé ! — me suis-je écrié ; — Néroweg doit être mort… cette légion vient de lui passer sur le corps…

Grâce à l’étonnante vitesse de Tom-Bras, j’eus bientôt assez d’avance sur la ligne de cavalerie dont j’étais suivi pour donner à ma course une direction telle qu’il me fut possible de prendre place à la droite du front de bataille de la légion. M’adressant alors à l’un des officiers, je lui demandai des nouvelles de Victorin et du combat ; il me répondit :

– Victorin se bat en héros !… Un cavalier qui est venu donner