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Frappant alors le flanc de son coursier du plat de sa hache, il lui fit franchir d’un bond énorme le corps et la monture d’un cavalier renversé qui nous séparaient. L’élan de Néroweg fut si violent, qu’en retombant à terre son cheval heurta le mien front contre front, poitrail contre poitrail ; tous deux, à ce choc terrible, plièrent sur leurs jarrets et se renversèrent avec nous… D’abord étourdi de ma chute, je me dégageai promptement ; puis, raffermi sur mes jambes, je tirai mon épée, car ma masse d’armes s’était échappée de mes mains… Néroweg, un moment engagé comme moi sous son cheval, se releva et se précipita sur moi. La mentonnière de son casque s’étant brisée dans sa chute, il avait la tête nue, son épaisse chevelure rouge, relevée au sommet de sa tête, flottait sur ses épaules comme une crinière.

– Ah ! cette fois, chien gaulois ! — me cria-t-il en grinçant des dents et me portant un coup furieux que je parai, — j’aurai ta vie et ta peau !…

– Et moi, loup frank ! je te marquerai mort ou vif cette fois encore à la face, pour que le diable te reconnaisse dans ce monde ou dans les autres !…

Et nous nous sommes pendant quelques instants battus avec acharnement, tout en échangeant des outrages qui redoublaient notre rage :

– Chien !… — me disait Néroweg, — tu m’as enlevé ma sœur Elwig !

– Je l’ai enlevée à ton amour infâme ! puisque dans sa bestialité ta race immonde s’accouple comme les animaux… frère et sœur !… fille et père !…

– Tu oses parler de ma race, dogue bâtard ! moitié Romain, moitié Gaulois ! Notre race asservira la vôtre, fils d’esclaves révoltés ; nous vous remettrons sous le joug… et nous vous prendrons vos biens, votre vin, votre terre et vos femmes !…

– Vois donc au loin ton armée en déroute, ô grand roi ! vois donc tes bandes de loups franks, aussi lâches que féroces, fuir les crocs des braves chiens gaulois !…