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– Ceci est juste.

– J’ai donc temporisé, afin de laisser les Franks s’approcher des défilés.

– S’ils s’engagent dans ce passage… ils sont perdus.

– Je l’espère. Nous les poussons ensuite, l’épée dans les reins, vers le fleuve, nos cent cinquante barques bien armées, parties du port, selon mes ordres, en même temps que nous, coulerons bas les radeaux de ces barbares et leur couperons toute retraite… Le capitaine Marion a traversé le Rhin avec des troupes d’élite ; il se joindra aux peuplades de l’autre côté du fleuve, marchera droit au camp des Franks, où ils ont dû laisser une forte réserve, et leurs chariots de guerre… Tout sera détruit !

Victorin me développait ce plan de bataille habilement conçu, lorsque nous vîmes accourir à toute bride quelques cavaliers envoyés en avant pour éclairer notre marche. L’un d’eux, arrêtant son cheval blanc d’écume, dit à Victorin :

– L’armée des Franks s’avance ; on l’aperçoit au loin du sommet des escarpements : leurs éclaireurs se sont approchés des abords du défilé, ils ont été tués à coups de flèche par les archers que nous avions emmenés en croupe, et qui s’étaient embusqués dans les buissons ; pas un des cavaliers franks n’a échappé.

– Bien visé ! — reprit Victorin ; — ces éclaireurs auraient pu rencontrer les nôtres et retourner avertir l’armée franque de notre approche ; peut-être alors ne se serait-elle pas engagée dans les défilés ; mais je veux aller moi-même juger de la position de l’ennemi… Suis-moi, Scanvoch.

Victorin met son cheval au galop, je l’imite ; l’escorte nous suit, nous dépassons rapidement notre avant-garde, à qui Victorin donne l’ordre de s’arrêter. Les soldats saluèrent de leurs acclamations le jeune général, malgré les calomnies infâmes dont il avait été l’objet. Nous sommes arrivés à un endroit d’où l’on dominait les défilés d’Armstradt : cette route, fort large, s’encaissait à nos pieds entre