Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/190

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en deux mots te dire mon plan de bataille convenu avec ma mère… Ce plan, je l’ai confié au chef qui doit me remplacer au commandement si je suis tué… Je veux aussi t’instruire de mes projets ; tu en rappellerais au besoin l’exécution.

– Je t’écoute.

– Il y a maintenant près de trois heures que les radeaux des Franks ont été vus vers le milieu du fleuve… Ces radeaux, chargés de troupes et remorqués par des barques naviguant lentement, ont dû employer plus d’une heure pour atteindre le rivage et débarquer…

– Ton calcul est juste ; mais pourquoi n’as-tu pas hâté la marche de l’armée, afin de tâcher d’arriver sur le rivage avant le débarquement des Franks ? Des troupes qui prennent terre sont toujours en désordre ; ce désordre eût favorisé notre attaque.

– Deux raisons m’ont empêché d’agir ainsi ; tu vas les savoir. Combien crois-tu qu’il ait fallu de temps à l’officier qui est venu annoncer le débarquement de l’ennemi pour se rendre à toute bride des avant-postes à Mayence ?

– Une heure et demie… car de cet avant-poste au camp il y a presque cinq lieues.

– Et pour accomplir le même trajet, combien faut-il de temps à une armée, marchant en bon ordre et d’un pas accéléré, point trop hâté cependant, afin de ne pas essouffler ni fatiguer les soldats avant la bataille ?

– Il faut environ deux heures et demie.

– Tu le vois, Scanvoch, il nous était impossible d’arriver assez tôt pour attaquer les Franks au moment de leur débarquement… L’indiscipline de ces barbares est grande ; ils auront mis quelque temps à se reformer en bataille, nous arriverons donc avant eux, et nous les attendrons aux défilés d’Armstradt, seule route militaire qu’ils puissent prendre pour venir attaquer notre camp, à moins qu’ils ne se jettent à travers des marais et des terrains boisés, où leur cavalerie, leur principale force, ne pourrait se développer.