Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.

J’avais, par prudence, enfermé Elwig ; j’allai heurter à sa porte, et je lui dis :

– Veux-tu que j’entre chez toi ?

Elle ne me répondit pas ; inquiet de ce silence, j’ouvris la porte : je vis Elwig assise sur le bord de sa couche, son front entre ses mains. À mon aspect, elle jeta sur moi un regard farouche et resta muette. Je lui demandai :

– Le sommeil t’a-t-il calmée ?

– Il n’est plus de sommeil pour moi… — m’a-t-elle brusquement répondu. — Riowag est mort !…

– Vers le milieu du jour, ma femme et ma sœur te conduiront auprès de Victoria la Grande ; elle te traitera en amie… Je lui ai annoncé ton arrivée au camp.

La sœur de Néroweg, l’Aigle terrible, me répondit par un geste d’insouciance.

– As-tu besoin de quelque chose ? — lui ai-je dit. — Veux-tu manger ? veux-tu boire ?…

– Je veux de l’eau… J’ai soif… je brûle !…

Sampso, malgré le refus de la prêtresse, alla chercher quelques provisions, une cruche d’eau, déposa le tout près d’Elwig toujours sombre, immobile et muette ; je fermai la porte, et remettant la clef à ma femme :

– Toi et Sampso, vous accompagnerez cette malheureuse créature chez Victoria vers le milieu du jour ; mais veille à ce qu’elle ne puisse être seule avec notre enfant…

– Que crains-tu ?

– Il y a tout à craindre de ces femmes barbares, aussi dissimulées que féroces… J’ai tué son amant en me défendant contre lui, elle serait peut-être capable par vengeance d’étrangler notre fils.

À ce moment je te vis accourir à moi, mon cher enfant. Entendant ma voix du fond de la chambre de ta mère, tu avais quitté ton lit, et tu venais demi-nu, les bras tendus vers moi, tout riant à la vue de