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Gaule ? — reprit Victoria ; — quelle a été l’impitoyable dominatrice du monde ?

Rome, — répondit le gouverneur, — Rome païenne !

— Oui, cette tyrannie qui pesait sur le monde avait son siège à Rome, — reprit Victoria. — Alors, dites-moi par quelle fatalité les évêques, les papes de cette nouvelle religion qui aspirent, ils ne le cachent pas, à régner sur l’univers en dominant les souverains du monde, non par la force, mais par la croyance… oui, répondez ! par quelle fatalité ces papes ont-ils établi à Rome le siège de leur nouveau pouvoir ? Quoi ! Jésus de Nazareth avait flétri de sa brûlante parole les princes des prêtres comme des fourbes, comme des hypocrites ! Il avait surtout prêché l’humilité, le pardon, l’égalité, la communauté parmi les hommes, et voilà qu’en son nom divinisé de nouveaux princes des prêtres se donnent pour les futurs dominateurs de l’univers, les voilà déjà, comme le pape Étienne, accusés d’ambition, de fourberie, d’intolérance, même par les autres évêques chrétiens !

Et quel a été le premier pape qui soit venu s’établir à Rome au nom de Jésus ? Un de ses disciples, un ingrat, un renégat, qui trois fois a, par lâcheté, renié son jeune maître… Ce renégat se nommait Pierre, — ai-je ajouté à mon tour. — J’ai lu cette honteuse trahison dans un récit contemporain sur la mort de Jésus, récit que m’a laissé mon aïeule… Victoria le connaît.

— C’est la vérité, — reprit ma sœur de lait, — et ceci m’avait déjà paru sinistre… quoi ! le premier pape de cette nouvelle religion, dont les évêques semblent renier de plus en plus la douce morale de Jésus, a été ce même disciple qui a lâchement renié son jeune maître, abandonné de tous au moment de son martyre et de sa mort… sublimes comme sa vie !…

— Est-ce vous que j’entends parler ainsi, Victoria ? — reprit Tétrik en s’adressant à ma sœur de lait ; — vous, si sage, si éclairée, vous redoutez ces malheureux qui professent leur foi par leur martyre !