Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.

camp, a fait naître une grande irritation contre Victorin… Ce fait, le voici : il y a quelques mois, Victorin et quelques officiers seraient allés dans une taverne située dans une île des bords du Rhin ; après boire, animé par le vin, Victorin aurait fait violence à l’hôtesse… et elle se serait tuée de désespoir…

– Mensonge ! s’écria Victoria. — Je sais et condamne les défauts de mon fils… mais il est incapable d’une pareille infamie !…

Le gouverneur m’avait écouté dans un silence imperturbable ; il reprit en souriant :

– Ainsi, bon Scanvoch, selon vous, mon secrétaire aurait, d’après mes ordres, répandu dans le camp ces calomnies indignes ?

– Oui.

– Quel serait mon but ?

– Vous êtes ambitieux…

– Et comment ces calomnies serviraient-elles mon ambition ?

– Les soldats se désaffectionnant de Victorin, élu par eux général et l’un des chefs de la Gaule, vous useriez de votre influence sur Victoria, afin de l’amener à vous proposer aux soldats comme successeur de Victorin.

– Une mère ! y songez-vous, bon Scanvoch ? — répondit Tétrik en regardant Victoria ; — une mère sacrifier son fils à un ami !…

– Victoria, dans la grandeur de son amour pour son pays, sacrifierait son fils à votre élévation, si ce sacrifice était nécessaire au salut de la Gaule… Ai-je menti, ma sœur ?

– Non, — me répondit Victoria, qui paraissait chagrine de mes accusations contre son parent. — En cela tu dis la vérité ; mais quant au reste, tu t’abuses…

– Et ce sacrifice héroïque bon Scanvoch, — reprit le gouverneur, — Victoria le ferait, sachant que par mes calomnies souterraines j’aurais tâché de perdre son fils dans l’esprit de nos soldats ?

– Ma sœur eût ignoré ces menées, si je ne les avais point démasquées… D’ailleurs, souvent je lui ai entendu dire avec raison que