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– Qu’il vienne, — répondit Victoria, — qu’il vienne à l’instant !

En même temps parut Tétrik.

C’était un petit homme entre les deux âges, d’une figure fine et douce, un sourire affable effleurait toujours ses lèvres ; il avait enfin tellement l’extérieur d’un homme de bien, que Victoria, le voyant entrer, ne put s’empêcher de me jeter un regard qui semblait encore me reprocher mes soupçons.

Tétrik alla droit à Victoria, la baisa au front avec une familiarité paternelle et lui dit :

– Salut à vous, chère Victoria.

Puis, s’approchant du berceau où continuait de dormir le petit-fils de la mère des camps, le gouverneur de Gascogne, contemplant l’enfant avec tendresse, ajouta tout bas, comme s’il eût craint de le réveiller :

– Dors, pauvre petit ! Tu souris à tes songes enfantins, et tu ignores que l’avenir de notre Gaule bien-aimée repose peut-être sur ta tête… Dors, enfant prédestiné, sans doute, à poursuivre la tâche entreprise par ton glorieux père ! noble tâche qu’il accomplira durant de longues années sous l’inspiration de ton auguste aïeule !… Dors, pauvre petit, — ajouta Tétrik dont les yeux se remplirent de larmes d’attendrissement, — les dieux secourables et propices à la Gaule veilleront sur toi…

Victoria, pendant que son parent essuyait ses yeux humides, m’interrogea de nouveau du regard, comme pour me demander si c’étaient là le langage et la physionomie d’un traître, d’un homme perfidement ennemi du père de cet enfant ?

Tétrik, s’adressant alors à moi, me dit affectueusement :

– Salut au meilleur, au plus fidèle ami de la femme que j’aime et que je vénère le plus au monde.

– C’est la vérité ; je suis le plus obscur, mais le plus dévoué des amis de Victoria, — ai-je répondu en regardant fixement Tétrik ; — et le devoir d’un ami est de démasquer les traîtres !