Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne le comprend pas, nos soldats le sentent, eux autres… Hier, je traversais le camp, trois vieux cavaliers viennent à ma rencontre et me saluent… sais-tu ce qu’ils me disent ? — Mère, nous te plaignons ! … — Puis ils se sont éloignés tristement… Scanvoch, je te le dis… je suis une malheureuse mère !…

– Écoutez-moi, depuis quelque temps nos soldats se désaffectionnent de Victorin, je l’avoue, je le comprends ; car l’homme que des hommes libres ont choisi pour chef doit être pur de tout excès et vaincre même les entraînements de son âge… Cela est vrai, ma sœur, et souvent n’ai-je pas blâmé votre fils devant vous ?…

– J’en conviens.

– Je le défends surtout à cette heure, parce que ces soldats, aujourd’hui si scrupuleux sur des défauts fréquents chez les jeunes chefs militaires, obéissent moins à leurs scrupules… qu’à des excitations perfides.

– Que veux–tu dire ?

– On est jaloux de votre fils, de son influence sur les troupes ; et, pour le perdre, on exploite ses défauts afin de donner créance à des calomnies infâmes.

– Qui serait jaloux de Victorin ? Qui aurait intérêt à répandre ces calomnies ?

– C’est surtout depuis un mois, n’est-ce pas, que cette hostilité contre votre fils s’est manifestée, et qu’elle va s’empirant ?

– Oui, oui ; mais encore une fois qui soupçonnes-tu de l’avoir excitée ?

– Ma sœur, ce que je vais vous dire est grave…

– Achève…

– Il y a un mois, un de nos parents, gouverneur de Gascogne, est venu à Mayence…

– Tétrik ?

– Oui, puis il est reparti au bout de quelques jours ?

– Eh bien ?