Les paroles qu’elle m’adressait ayant troublé sans doute le sommeil du petit-fils de Victoria, il fit entendre un léger murmure ; elle retourna promptement vers lui, le baisa au front ; puis se rasseyant et posant le bout de son pied sur une bascule qui soutenait le berceau, Victoria lui imprima ainsi un léger balancement, tout en continuant de causer avec moi.
– Et le message ? — me dit-elle. — Comment ces barbares l’ont-ils accueilli ?… Veulent-ils la paix ?… Veulent-ils une guerre d’extermination ?…
Au moment où j’allais lui répondre, ma sœur de lait m’interrompit d’un geste, et ajouta ensuite, après un moment de réflexion :
– Sais-tu que Tétrik, mon bon parent, est ici depuis hier ?
– Je le sais.
– Il ne peut tarder à venir ; je préfère que devant lui seulement tu me rendes compte de ce message.
– Il en sera donc ainsi… Pouvez-vous recevoir le capitaine Marion ? En entrant je l’ai rencontré ; il venait conférer avec Victorin…
– Scanvoch, mon fils a encore passé la nuit hors de son logis ! — me dit Victoria en imprimant à son aiguille un mouvement plus rapide, ce qui annonçait toujours chez elle une vive contrariété.
– Sachant la venue de votre parent de Gascogne, j’ai pensé que peut-être de graves intérêts avaient retenu Victorin en conférence avec Tétrik durant cette nuit… Voilà du moins ce que j’ai laissé supposer au capitaine Marion, en lui disant que vous pourriez sans doute l’entendre.
Victoria resta quelques moments silencieuse ; puis, laissant son ouvrage de couture sur ses genoux, elle releva la tête et reprit d’un ton à la fois douloureux et contenu :
– Victorin a des vices… ils étoufferont ses qualités !
– Ayez confiance et espoir… l’âge le mûrira.
– Depuis deux ans ses vices augmentent, ses qualités déclinent !