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plus renommés de l’armée… je ne suis, moi que le dernier de ses soldats.

Et il s’assit sur une pierre à la porte de la maison en rongeant ses ongles.

– Il est incorrigible, — me dit le capitaine ; et nous sommes tous deux entrés chez Victoria.

– Il faut que le capitaine Marion soit étrangement aveuglé par l’amitié pour ne pas s’apercevoir que son compagnon est dévoré d’une haineuse envie, — pensai-je à part moi.

La demeure de la mère des camps était d’une extrême simplicité. Le capitaine Marion ayant demandé à l’un des soldats de garde si Victorin pouvait le recevoir, le soldat répondit que le jeune général n’avait point passé la nuit au logis.

Marion, malgré la vie des camps, conservait une grande austérité de mœurs ; il parut choqué d’apprendre que Victorin n’était pas encore rentré chez lui, et il me regarda d’un air mécontent. Je voulus, sans pourtant mentir, excuser le fils de Victoria, et je répondis au capitaine :

– Ne nous hâtons pas de mal juger Victorin : hier, Tétrik, gouverneur de Gascogne, est arrivé au camp, il se peut que Victorin ait passé la nuit en conférence avec lui.

– Tant mieux… car je voudrais voir ce jeune homme, aujourd’hui chef des Gaules, sortir des griffes de cette peste de luxure (B) qui nous pousse à tant de mauvais actes… Quant à moi, dès que j’aperçois un coqueluchon ou un jupon court, je détourne la vue comme si je voyais le démon en personne.

– Victorin s’amende, et il s’amendera davantage encore, l’âge viendra, — dis-je au capitaine ; — mais, que voulez-vous ! il est jeune, il aime le plaisir…

– Et moi aussi, j’aime le plaisir, et furieusement encore !… — reprit le bon capitaine. — Ainsi… rien ne me plaît plus, mon service accompli, que de rentrer chez moi pour vider un pot de cer-