voici là-bas, les bras croisés, immobile comme une borne… Hé ! Eustache ! Eustache !…
À cet appel, le compagnon du capitaine Marion s’approcha lentement, les bras toujours croisés sur sa poitrine. C’était un homme de stature moyenne et vigoureuse, sa barbe et ses cheveux d’un blond pâle, son teint bilieux, sa physionomie dure et morose offraient un contraste frappant avec l’extérieur avenant du capitaine Marion. Je me demandais quelles singulières affinités avaient pu rapprocher dans une étroite et constante amitié deux hommes de dehors et de caractères si dissemblables.
– Comment, mon ami Eustache, — lui dit le capitaine, — tu restes là, les bras croisés, à me regarder, tandis que je m’efforce d’arrêter un char lancé à toute bride ?
– Tu es si fort ! — répondit Eustache. — Quelle aide peut apporter le ciron au taureau ?
– Cet homme doit être jaloux et haineux, — me suis-je dit en entendant cette réponse, et en remarquant l’expression des traits de l’ami du capitaine.
– Va pour le ciron et le taureau, mon ami Eustache, — reprit le capitaine avec sa bonhomie habituelle, et paraissant flatté de la comparaison ; — mais quand le ciron et le taureau sont camarades, si gros que soit celui-ci, si petit que soit celui-là, l’un n’abandonne pas l’autre…
– Capitaine, — répondit le soldat avec un sourire amer, — t’ai-je jamais abandonné au jour du danger, depuis que nous avons quitté la forge ?…
– Jamais ! — s’écria Marion en prenant cordialement la main d’Eustache, — jamais ; car, aussi vrai que l’épée que tu portes est la dernière arme que j’ai forgée, pour t’en faire un don d’amitié, ainsi que cela est gravé sur la lame, tu as toujours, à la bataille, marché dans mon ombre, comme nous disons au pays.
– Qu’y a-t-il d’étonnant à cela ? — reprit le soldat ; — auprès de