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– Et ton frère, — lui dis-je en marchant sur ses pas, — est-il revenu à lui ?

– Néroweg est encore à demi étourdi, comme le bœuf mal atteint par l’assommoir… Il attend dans sa hutte le moment de ton supplice. Je dois aller lui annoncer l’heure des augures ; il veut te voir longtemps souffrir… Viens, viens !…

– L’obscurité est si grande que je ne vois pas devant moi.

– Donne-moi ta main.

– Si ton frère, lassé d’attendre, — lui dis-je en me laissant conduire, — entre avec les chefs dans cette caverne par l’autre issue, et qu’ils ne trouvent ici ni toi ni moi, ne se mettront-ils pas à notre poursuite ?

– Moi seule connais cette issue secrète : mon frère et les chefs croiront, en ne nous trouvant plus ici, que je t’ai fait descendre chez les dieux infernaux… Ils me craindront davantage… Viens, viens !…

Pendant qu’Elwig me parlait ainsi, je la suivais à travers un chemin si étroit, que je sentais de chaque côté les parois des roches… Puis ce sentier sembla s’enfoncer dans les entrailles de la terre ; ensuite il devint, au contraire, si rude à gravir pour mes jambes encore engourdies par la violente pression de mes liens, que j’avais peine à suivre les pas précipités de la prêtresse. Bientôt un courant d’air frais me frappa au visage : je supposai que nous allons bientôt sortir de ce souterrain.

– Cette nuit, lorsque j’aurai eu tué mon frère, pour me venger de ses outrages et de ses violences, — me dit Elwig d’une voix brève, haletante, — je fuirai avec un roi que j’aime… Il nous attend au dehors de cette caverne. Ce chef est robuste, vaillant, bien armé ; il nous accompagnera jusqu’à ton bateau… Si tu m’as trompée, Riowag te tuera… entends-tu, Gaulois ?…

Cette menace m’effraya peu… j’avais les mains et les jambes libres… Ma seule inquiétude était de ne plus retrouver Douarnek et la barque.