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– C’est lui !… c’est le cavalier au cheval gris… c’est lui !…

– Tu le connais, — demanda Elwig à son frère. — Tu connais ce prisonnier ?…

— Va-t-en ! — reprit brusquement Néroweg. — Hors d’ici !

Puis, me contemplant de nouveau, il répéta :

— C’est lui… le cavalier au cheval gris !…

– L’as-tu donc rencontré à la bataille ? — demanda de nouveau Elwig à son frère. — Réponds…

– T’en iras-tu ! — reprit Néroweg en levant son bâton sur la prêtresse. — J’ai parlé ! va-t-en !…

J’avais les yeux, à ce moment, fixés sur le groupe des guerriers noirs ; je vis Riowag, le roi des guerriers noirs, à peine contenu par ses compagnons, porter la main à son épée, pour venger sans doute l’insulte faite à Elwig par Néroweg.

Mais la prêtresse, loin d’obéir à son frère, et craignant sans doute qu’en son absence je ne parlasse à l’aigle terrible des projets fratricides de sa sœur incestueuse, et des riches présent de Victoria, s’écria :

– Non… non… je reste ici… Ce prisonnier m’appartient pour mes augures… Je ne m’éloigne pas de lui… je le garde…

Néroweg, pour toute réponse, asséna plusieurs coups du manche de sa pique sur le dos d’Elwig ; puis il fit un signe, et plusieurs hommes de ceux dont il était accompagné repoussèrent violemment la prêtresse, ainsi que les deux vieilles, dans la caverne, dont ils gardèrent l’issue l’épée à la main.

Il fallut que les guerriers noirs qui entouraient leur roi Riowag fissent de grands efforts pour l’empêcher de se précipiter, l’épée à la main, sur l’Aigle terrible ; mais, celui-ci, ne songeant qu’à moi, ne s’aperçut pas de la fureur de son rival, et me dit d’une voix tremblante de colère, en me crossant du pied :

– Me reconnais-tu, chien ?

– Je te reconnais…