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– Je serai très-belle aux yeux de Riowag !…

– Femme, — lui dis-je, — ton avis est prudent ; il faudra attendre la nuit pour quitter tous deux le camp et regagner le rivage !…

Puis, voulant mettre davantage Elwig en confiance avec moi en paraissant m’intéresser à sa vaniteuse cupidité, j’ajoutai :

– Mais si ton frère te voit parée de ces magnifiques bijoux, il te les prendra… peut-être ?…

– Non, — me répondit-elle d’un air étrange et sinistre, — non, il ne me les prendra pas…

– Si Néroweg, l’aigle terrible, est aussi violent que tu le dis, s’il a failli une fois t’abattre le bras pour avoir voulu toucher à sa part du butin, — lui dis-je surpris de sa réponse, et voulant pénétrer le fond de sa pensée, — qui empêchera ton frère de s’emparer de ces parures ?

Elle me montra son large couteau avec une expression de férocité froide qui me fit tressaillir, et me dit :

– Quand j’aurai le trésor… cette nuit, j’entrerai dans la hutte de mon frère… je partagerai son lit, comme d’habitude… et pendant qu’il dormira, moi, vois-tu, je le tuerai.

– Ton frère ? — m’écriai-je en frémissant, et croyant à peine à ce que j’entendais, quoique le récit de l’épouvantable dissolution des mœurs des Franks ne fût pas nouveau pour moi ; — ton frère ?… tu partages son lit ?…

La prêtresse ne parut pas surprise de mon étonnement, et me répondit d’un air sombre :

– Je partage le lit de mon frère depuis qu’il m’a fait violence… C’est le sort de presque toutes les sœurs des rois franks qui les suivent à la guerre… Ne t’ai-je pas dit que leurs sœurs, leurs mères et leurs filles étaient les premières esclaves de nos maîtres ? Et quelle est l’esclave qui, de gré ou de force, ne partage pas le coucher de son maître ? Mon père a fait violence à ma mère, qui était belle encore… et, un jour, me poursuivant, il a…