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– Il y a les barques du radeau à l’autre extrémité du camp, je vais faire poursuivre tes compagnons… j’aurai tes trésors !

– Erreur… Mes compagnons, voyant au loin s’avancer vers eux des bateaux ennemis, se défieront, et comme ils ont une longue avance, ils regagneront sans danger l’autre rive du Rhin… Tel sera le fruit de la trahison des tiens envers moi… Allons, femme, fais-moi bouillir pour tes augures infernaux !… Mes os, blanchis dans ta chaudière, se changeront peut-être par ta magie en parures magnifiques !…

– Mais ces trésors, — reprit Elwig luttant contre ses dernières défiances, — ces trésors, puisque tu ne les avais pas apportés avec toi, quand les aurais-tu donnés aux rois de nos hordes ?

— En les quittant ; je croyais être accueilli et reconduit par eux en envoyé de paix… Alors mes compagnons auraient abordé au rivage pour venir me chercher ; j’aurais pris dans la barque les présents pour les distribuer aux rois au nom de Victoria et de son fils.

La prêtresse me regarda encore pendant quelques instants d’un air sombre, paraissant céder tour à tour à la méfiance et à la cupidité. Enfin, vaincue sans doute par ce dernier sentiment, elle se leva et appela d’une voix forte, et par un nom bizarre, une personne jusqu’alors invisible.

Presque aussitôt sortit de la caverne une hideuse vieille à cheveux gris, vêtue d’une robe souillée de sang, car elle aidait sans doute la prêtresse dans ses horribles sacrifices. Elle échangea quelques mots à voix basse avec Elwig, et disparut dans le bois où s’étaient retirés les guerriers noirs.

La prêtresse, s’accroupissant de nouveau près de moi, me dit d’une voix basse et sourde :

– Tu veux entretenir mon frère le roi Néroweg, l’aigle terrible… Je l’envoie chercher… il va venir ; mais tu ne lui parleras pas de ces trésors.

– Pourquoi ?