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m’en assurer, je lui dis sans répondre à ses dernières paroles :

– Ton frère est donc un puissant chef ?

– Il est plus que chef ! — me répondit orgueilleusement Elwig ; il est roi !

– Nous aussi, autrefois nous avons eu des rois ; et ton frère, comment s’appelle-t-il ?

Néroweg, surnommé l’aigle terrible.

– Tu as sur les bras deux figures représentant un serpent rouge et deux serres d’oiseau de proie ; pourquoi cela ?

– Les pères de nos pères ont toujours, dans notre famille de rois, porté ces signes des vaillants et des subtils : les serres de l’aigle, c’est la vaillance ; le serpent, c’est la subtilité… Mais assez parlé de mon frère, — ajouta Elwig avec une sombre impatience, car cet entretien semblait lui peser ; — veux-tu, oui ou non, engager Victoria à venir ici ?

– Un mot encore sur ton royal frère… Ne porte-t-il pas au front les deux mêmes signes que tu portes sur les bras ?

– Oui, — reprit-elle avec une impatience croissante ; — oui, mon frère porte une serre d’aigle bleue au-dessus de chaque sourcil, et le serpent rouge en bandeau sur le front, parce que les rois portent un bandeau… Mais assez parlé de Néroweg… assez…

Et je crus voir sur les traits d’Elwig un ressentiment de haine à peine dissimulé en prononçant le nom de son frère ; elle continua :

– Si tu ne veux pas mourir, écris à Victoria de venir dans notre camp parée de ses plus magnifiques bijoux. Elle se rendra seule dans un lieu que je te dirai… un endroit écarté que je connais… et moi-même je la conduirai auprès de mon frère, afin qu’elle obtienne ta grâce…

– Victoria venir seule dans ce camp ?… J’y suis venu, moi, comptant sur la franchise de la trêve… le rameau de paix à la main, et l’on a tué un de mes compagnons ; un autre a été blessé, puis l’on m’a livré à toi garrotté, pour être mis à mort…