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Sylvest, voyant les lanternes encore à une assez grande distance, eut le temps de grimper le long d’une des colonnes et, se cramponnant à la forte saillie du chapiteau, d’atteindre le rebord d’une large corniche circulaire régnant autour du dôme de cette rotonde ; puis il se mit à plat ventre sur cet entablement ; les hommes porteurs de lanternes, contournèrent le temple et passèrent…

Sylvest respira ; cependant, craignant que ces hommes revinssent sur leurs pas, il n’osa pas descendre encore de sa cachette… Mais ses alarmes, un moment apaisées, redoublèrent bientôt, la gondole s’arrêta devant l’escalier du canal, et les chants cessèrent… Plus de doute, Faustine allait entrer dans cette rotonde, pendant que des esclaves veilleraient peut-être au dehors, à moins que la noble dame n’eût voulu quitter sa gondole pour se promener dans ses jardins. Entouré de dangers, Sylvest resta sur le rebord de la corniche ; bientôt il remarqua, au niveau du large entablement sur lequel il se tenait blotti, plusieurs cintres à jour, destinés sans doute, en raison de la chaleur du climat, à laisser pénétrer des courants d’air frais en ce lieu ; il pouvait ainsi, du haut de sa cachette, plonger ses regards dans l’intérieur de la rotonde. Durant quelques instants, il n’aperçut que des ténèbres ; mais il entendit bientôt s’ouvrir la porte donnant sur le canal, et il vit entrer, tenant à la main un flambeau, un noir d’Éthiopie d’une taille gigantesque, coiffé d’un bonnet écarlate et vêtu d’une courte robe orange lamée d’argent ; cet esclave portait au cou un large carcan aussi d’argent, et à ses jambes nues et musculeuses des anneaux du même métal.

L’Éthiopien alluma plusieurs candélabres dorés, placés autour d’une statue représentant le dieu Priape ; une grande lumière remplit alors la rotonde, tandis que la cavité des cintres de la coupole supérieure où se cachait Sylvest resta dans l’ombre ; entre les colonnes intérieures de marbre blanc, enrichies de cannelures dorées comme leurs chapiteaux, l’on voyait des peintures à fresque, tellement obscènes, que Sylvest rougirait de les décrire ; le plancher du temple disparais-