Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/95

Cette page a été validée par deux contributeurs.

communiquait avec le canal au moyen d’un large escalier dont les dernières marches baignaient dans l’eau.

Sylvest, marchant alors d’un pied léger, l’oreille aux aguets, entra sous la colonnade et appela à plusieurs reprises et à voix basse :

— Loyse !… Loyse !…

Personne ne répondit à son appel ; étonné de ce silence, car il s’était attardé à la réunion nocturne des Enfants du Gui, il croyait trouver Loyse depuis longtemps arrivée en ce lieu, l’esclave continua de s’avancer à tâtons ; il se rapprochait ainsi de l’escalier donnant sur le canal, pensant que peut-être Loyse l’attendait sur une des marches : vain espoir.

Soudain il vit les eaux réfléchir au loin une grande clarté, tandis qu’une bouffée de vent lui apportait, avec la senteur des citronniers et des amandiers en fleurs, un bruit confus de lyres et de flûtes accompagnées de chants.

Sylvest supposa que Faustine, par cette chaude et belle nuit d’été, se promenait en gondole sur le canal, avec ses esclaves chanteuses et musiciennes ; ces bruits harmonieux se rapprochant de plus en plus, ainsi que les reflets des lumières sur les eaux, il crut que la gondole allait passer devant l’escalier du temple, et il se retira prudemment dans l’ombre, surpris et inquiet de n’avoir pas rencontré Loyse ; il ne perdait pas encore toute espérance, et prêtait toujours l’oreille du côté des jardins. Sylvest vit tout-à-coup dans cette direction, à travers l’obscurité, la clarté de plusieurs lanternes, et il entendit le pas et la voix des hommes qui les portaient ; saisi d’une grande épouvante, car, il l’avoue, en ce moment, il redoutait la mort, et surpris, dans le parc de la grande dame romaine, il pouvait être tué sur l’heure… l’esclave hésita. Retourner vers l’escalier du canal, c’était s’exposer à être éclairé par les flambeaux de la gondole qui, dans quelques instants, devait longer les marches du temple… Rester sous la colonnade, c’était, pour lui, risquer d’être découvert par les gens qui, venant des jardins, se rendaient peut-être dans ce bâtiment.