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pourpre impériale, couronné de lauriers, s’avance, enivré d’orgueil, debout dans un char d’or traîné par huit chevaux blancs. — Quel est cet esclave livide, décharné, à peine vêtu de haillons, chargé de chaînes et conduit par des licteurs armés de haches ?… — Il marche d’un pas ferme encore devant le char triomphal de César. — Oui, — quel est-il, cet esclave ? — Cet esclave, — c’est le chef des cent vallées. — Ce jour-là, César l’a tiré du cachot où il se mourait depuis quatre ans, — et le plus glorieux ornement du triomphe de ce vainqueur du monde, c’est le captif gaulois. — Mais la marche triomphale s’arrête. César fait un geste, — un homme s’agenouille, — une tête tombe sous la hache des licteurs. — Quel est cette tête qui vient de tomber ? — C’est la tête du chef des cent vallées… — Ce sang qui coule, c’est le sang du plus grand héros de la Gaule… — Esclave comme nous, — martyr comme nous…




Deux ans s’écoulent encore après le supplice. — Les dieux sont justes. — Quel est cet homme vêtu de la pourpre impériale dont vingt poignards labourent la poitrine ? — Oui. — Quel est-il, cet homme à qui ces vengeurs disent : — Meurs, tyran ! — meurs, traître à la république ! — meurs, traître à la liberté ! — Cet homme, enfin frappé par la main d’un homme libre — (que ton nom soit à jamais glorifié, ô Brutus !) — cet homme, qui a été pendant sa longue vie le bourreau sanglant des libertés du monde, — c’est César, — c’est le meurtrier du chef des cent vallées, — César, le lâche meurtrier du captif enchaîné…




Oh ! oui ! les Dieux sont justes ; — Coule, coule, sang du captif ! — Tombe, tombe, rosée sanglante ! — Germe, grandis, moisson vengeresse ! — À toi, faucheur, à toi !… la voilà mûre ! — Aiguise ta faux… aiguise, — aiguise ta faux ! »