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villas romaines. Mais, abandonnant bientôt ce riant paysage, il s’enfonça dans les bois, traversa, non sans péril, un torrent rapide et profond, en sautant de l’une à l’autre de plusieurs grandes roches, disséminées dans la largeur de son courant, gagna la pente escarpée d’une montagne çà et là couverte de blocs de granit ; puis, arrivé sur la crête de cette colline, il redescendit au fond d’un vallon inculte, désert, sauvage, sans arbres, sans verdure, et non moins rocheux que la montagne. Au milieu du profond silence de la nuit et de cette solitude éclairée par la vive clarté de la lune à son déclin, l’esclave gaulois entendit au loin, et dans des directions diverses et opposées à celle qu’il avait suivie, le pas précipité de plusieurs hommes mêlé au cliquetis des chaînes que quelques-uns d’entre eux portaient au pied. Après s’être arrêté un instant pour écouter, l’esclave hâta sa marche. Il arriva devant l’entrée d’une grotte pleine de ténèbres ; son ouverture était si basse, qu’il lui fallut ramper pour s’y introduire. Il rampait ainsi depuis quelques instants, lorsqu’une voix, sortant de l’obscurité, lui dit en langue gauloise :

— Arrête… la hache est levée sur ta tête…

— La branche du chêne sacré me couvrira de son ombre et me protégera, — répondit l’esclave.

— La branche du chêne est fanée, — reprit la voix ; — le vent de la tempête a emporté ses feuilles ; tu ne peux plus te mettre à l’abri de son ombre sacrée ; qui te protégera ?

— La branche du chêne perd ses feuilles à la saison mauvaise ; mais le gui sacré reste toujours verdoyant, — dit l’esclave : — sept brins de gui me protégeront.

— Que signifient ces sept brins de gui ?

— Sept lettres.

— Ces sept lettres, quel mot font-elles ?

Liberté

— Passe…

Et l’esclave, continuant de ramper, passa. Peu à peu, grâce à l’é-