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il te fera payer cher ta scélératesse… Oh ! tu ne sais pas la vie qui t’attend dans son ergastule !… tu ne sais pas non plus…

— Et mon fils ?… — ai-je demandé au maquignon en l’interrompant, et sachant bien que, par cruauté, il me répondrait. — Aussi vendu, mon fils ? À qui vendu ?…

— Vendu !… et qui donc en voudrait encore de celui-là ? Vendu !… dis donc donné pour rien ! car tu portes malheur à tout le monde, double traître !… Tes fureurs et les cris de cet avorton n’ont-ils pas appris à tous qu’il était de ta race de bête féroce ?… Personne n’en a seulement offert une obole !… Achetez donc un pareil louveteau… J’allais d’ailleurs t’en parler de ton fils, afin de réjouir ton cœur de père… Apprends donc que mon confrère l’a donné par dessus le marché, en réjouissance, à l’acheteur auquel il a vendu la matrone à cheveux gris, qui sera bonne à tourner la roue d’un moulin…

— Et cet acheteur, — lui ai-je dit, — qui est-il ? que va-t-il faire de mon fils ?

— Cet acheteur, c’est le centurion… c’est ton maître !…

— Hésus ! — me suis-je écrié pouvant à peine croire ce que j’entendais. — Hésus !… vous êtes bon et miséricordieux… J’aurai du moins mon fils près de moi…

— Ton fils près de toi !… Mais tu es donc aussi brute que scélérat ?… Ah ! tu crois que c’est pour ton contentement paternel que ton maître s’est chargé de ce louveteau ?… Sais-tu ce que m’a dit ton maître ? « Je n’ai qu’un moyen de dompter cet animal sauvage que tu m’as venu, fourbe insigne ! » (Voilà les douceurs que tu me vaux, infâme !) « Cet enragé aime peut-être son petit… Je prends le petit ; je le tiendrai en cage, et le fils me répondra de la docilité du père… Aussi, à sa première… à sa moindre faute… il verra les tortures que, sous ses yeux, je lui ferai souffrir, à son louveteau !… »

Je n’ai plus fait attention à ce que m’a dit le maquignon… J’étais du moins certain de te voir ou de te savoir près de moi, mon enfant ; cela m’aiderait à supporter l’horrible douleur que me causait le sort